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OCTOBRE

Ces aventuriers du jeu...
PAR Jean Lacouture

Le 01 Octobre 2016

Il y a vraiment de quoi se gratter la tête : comment se fait-il que ce mot si chargé de connotations négatives, si souvent employé comme une injure, en anglais comme en français, soit ici choisi comme une éloge, une distinction : « il est digne d’être barbarian ! » pouvait-on dire de Gibson, de Jeffrey ou de Rives, comme on dit d’un peintre qu’il mériterait d’être exposé au Jeu de Paume, d’une cantatrice de chanter à Salzbourg. Du « sauvage » de Montaigne et Rousseau, on dit volontiers qu’il est bon. Pas du « barbare », défini dans l’Encyclopedia Britannica - et notre Robert - comme celui qui est « privé de civilisation ». Mais quoi de plus civilisé que le rugby qui peut-être défini précisément comme la « civilisation » de la violence, sa très stricte rationalisation?

« Barbaro », en italien, signifie formidable, excessif, démesuré. Leporello, son valet, parle du « barbaro appetito » de Don Giovanni. Nous voilà peut-être sur la voie, avec cet « appétit », ce désir, cet excès… Le « barbarian », dans la culture du rugby, serait-il celui qui ne calcule pas les risques tant est grand, intense, absolu, son appétit de jouer. N’est-il pas l’aventurier?

J’enrage souvent de lire, à propos du sport, qu’untel s’économise, joue la montre, se blottit dans le peloton, ferme le jeu. Il y a bien des activités humaines, l’administration, la justice, le commerce, où ces attitudes sont respectables. Mais le jeu, mais le sport? C’est bien le cas de le dire : « qui ne risque rien n’a rien ».

Les « Barbarians », ce serait donc les « déraisonnables », les « pas économes », les fous d’amour du jeu - qui n’est pas le « je » mais le « nous » -, ceux qui relancent l’attaque depuis leur en-but, ceux qui choisissent la course plutôt que la touche, ceux qui préfèrent se passer et se repasser la balle plutôt que « péter » en ayant calculé que cinq cent kilos de muscles bien soudés doivent crever un mur. Pour faire ça, pour calculer ainsi, il y a des ingénieurs, du béton et des bonnes mensualités à la clé…

Mais pour marquer certains essais qui ont enchanté notre souvenir et nous ont rendus heureux, il faut aussi un grain de folie - barbare ?

Extrait de « La Légende Continue », livre de Francis Deltéral et Gilles Navarro

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