Mais qu'est-ce qui se cache derrière ce nom Barbare ?
PAR Les Barbarians
Le 15 Septembre 2016
Des Barbarians, il y en a plein dans le Monde mais la matrice est en Angleterre. C'était un club sans foi ni loi mais pas sans esprit. Ils jouaient une semaine avant Pâques sur le littoral gallois, une autre fois entre Noël et le jour de l'An à Leicester et puis, contre des équipes de l'hémisphère sud, avec toujours dans leur groupe, un non-international. Un match test resté dans toutes les mémoires, celui de 1973 à Cardiff entre les Baa-Baas (diminutif à usage domestique) et les All Blacks.
Ainsi s'est bâtie cette légende, hors du temps d'un club dont le concept est si fort qu'il a fait des petits ailleur : les Crawshays Gallois, les Wolfhounds Irlandais, les Zèbres Italiens et tout simplement les Barbarians de Nouvelle-Zélande, d'Australie, d'Afrique du sud, de France, des Fidji et les derniers en date, d'Argentine, avec un ministre comme president, Son Excellence Hugo Porta. Bien entendu, les latins que nous sommes ont éprouvé quelques difficultés à se reconnaitre dans cette esprit de fol amusement, jusqu'à l'enfantillage, jusqu'au trop plein d'attaques et de bière. Forcément, l'exutoire n'a pas la même signification des deux côtés de la Manche.
Donc c'est en 1978 que ce cher Pastrou (George Pastre) poussa les feux avant de partir en retraite pour que la France ait enfin ses Baa-Baas. Message reçu par ces coquins de Ferrasse, Basquet, Fouroux et ses potes du grand chelem 1977 qui virent aussitôt le parti qu'ils pourraient tirer de cette opération-séduction.
Filiale libérée
A l'epoque, on avait pesté contre ce coup fourré au foie gras perpétré le 11 août 1979 à Sarlat. Le club France le plus hermétique du monde qui nous parlait d'ouverture, c'était comme une taupe qui nous parlait du ciel bleu, selon le fameux mot du sorcier luzien Albert Kaempf ! La colère n'est plus ce qu'elle était, l'esprit a fait son chemin. A de rares exceptions près, c'est à dire en faisant semblant d'oublier quelques cas de copinage, plus des rentes viagères de notoriété publique, l'ensemble de l'oeuvre accomplie est trés respectable. Un Henri Magois dans la toute première équipe de 1980, Irvine le premier étranger invité, bientôt suivi de Rose, Slattery etc...
Il y a plusieurs périodes dans l'histoire des Barbarians français. 19979-1990 : les "grands chelemars" de Fouroux, présidés par guy Basquet et supervisés par Albert Ferrasse, plus Fernand Cazenave et Marcel Martin, étaient les rois du plancher. Pas de contrôle, des passerelles de circonstance entre XV de France et Baa-Baas, le club n'était pas affranchi.
"Une filiale de la fédé" disait Patou qui ajoutait : "Tout a changé quand Jean-Pierre Rives s'est engagé à fond. C'est lui qui a trouvé la phrase célèbre, "les Barbarians, c'est la Suisse du rugby..." Il avait déjà son beau maillot avec ses dégradés de bleu, ses cravates sobres et rares, son indicible attrait pour notre petit monde de traditionnalistes et ses matchs réguliers résistant de leur mieux à la tentation de l'inflation.
Une image nous reste de ce premier match des Baa-Baas contre une équipe en tournée, les All Blacks à Bayonne en 1981. Passes au cordeau de Gérald Martinez et Bernard Viviès, essai de Thierry Merlos aprés un somptueux cadrage-débordement. Merlos, jugé trop frêle pour le XV de France, venait de donner là son label d'intérêt public aux Barbarians. Mais qu'est-ce qu'on s'en fout qu'ils aient perdu ce samedi-là! On s'en fout parce que le bonheur du jour, voyer-vous, c'était cette percée radieuse du Merle comme un bijou dans son écrin.
La fameuse nuit d'Agen
Puis, il y a eut la période d'ouverture, hors grand chelem en direction de Dédé Boniface, Jo Maso mais aussi Serge Blanco, Daniel Dubroca, Laurent Pardo et Serge Kampf, ami et mécène du club. Jusque là, c'était Jacques Fouroux qui tenait le club d'une main de fer, jusqu'à la révolution de novembre 1990. Comme la fédé, les Barbarians étaient divisés entre les clans ferrasse, Fouroux, Patou et Fabre. Conscient du poids de cette institution, l'Auscitain avait alors tenté une manoeuvre en réunissant les 15 du grand chelem, et eux seuls, la veille du match contre les All Blacks (encore eux !) le 22 octobre 90, à Agen. Effet manqué mais cette nuit-là appartient depuis à la grande histoire des Baa-Baas, plus d'ailleurs que le match lui-même contre les Noirs qui étaient au terrain ce que la situation était dans la coulisse, morne, triste, sans esprit.
Curieusement, cette terrible année 91 fut la seule sans match des Barbarians. Et quand la série repris en octobre 92 à Lille contre les Springboks, le club avait déjà versé dans l'opposition. C'était le match des adieux de blanco mais le pathétique fut atteint au banquet déserté par les sud-Africains et par les idrigeants fédéreaux. Jacques Fouroux monta alors un show assassin contre le pouvoir, en mimant un comité directeur du régime Lapasset. Désopilant, sauf pour ceux qui étaient ainsi brocardés. Un André Herrero fut d'ailleurs à duex doigts de voler dans les plumes de Fouroux. L'affaire fit grand bruit mais des deux cotés. Aux réunions des Barbarians, on cassait du Lapasset et du Berbizier à tour de bras. Tout joueur dédaigné en équipe de France avait sa chance chez les autres. Avec le recul, on s'aperçoit qu'en 1992 en Australie, c'est un deuxième XV tricolore qui partit avec les Baa-Baas : Castagnède, Lièvremont, Lhermet, Lascubé, Périé, Bondouy...
Auparavant, le club s'était trouvé un siège en harmonie avec ses habitudes, chez Castezl s'il vous plaît. Une salle au deuxième étage de ce haut lieu de la nuit parisienne, avec les trophées et les autres attributs patinés par le temps, arbitrant des séances de brainstorming assez musclées. Un autre grand moment avait captivé notre attention toute acquise à nos Barbarians comme vous l'avez compris, quand, en 93 à Clermont-Ferrand, Farr-Jones joua aux côtés de Whetton contre ses potes Wallabies.
Et c'est précisément pour organiser la toute première tournée lointaine en Australie, en juin 94, que Rives et consorts firent la paix avec le camp Lapasset. Un voyage qui, entre parenthèses, allait marquer le retour d'un Skréla qui en annonçait un autre. Ultime souvenir, celui d'une nouvelle première entre Barbarians de France et de Grande-Bretagne, les cousins se rencontrant enfin début septembre 94, à la faveur de “l'inauguration rugby ” du nouveau Charlety. Une soirée mémorable avec un invité nommé Campese et vouée aux faux adieux d'un Jacques Fouroux en partance pour le XIII...
Et demain? J-P Rives a déjà repondu le 11 octobre en réunissant pour la première fois tous les Barbarians du monde à Paris. Voici sa vue sur l'avenir : "Je pense que le rugby pro ne commettra pas la bêtise de se couper de l'esprit Baa-Baa. Parce qu'il est le garant de ce que ce sport fut, un jeu pour les joueurs, par les joueurs. Je ne peux pas croire qu'il existe un seul rugbyman qui se mette en culottes courtes pour gagner uniquement sa vie. Et précisement, c'est parce que notre rugby a du mal à gérer cette période de transition qu'il aura bien besoin des Barbarians. A condition qu'ils existent au travers des matchs...".
Henri Nayrou
Midi Olympique / 18.11.96